5. Des armoiries quasi uniques

Nous avons écrit plus haut que ces armoiries associant l’aigle et le lion étaient quasi uniques. Quasi uniques seulement, car outre les von Geudertheim, la famille von Sauerma ou von Saurma, originaire de Breslau en Silésie (ville aujourd’hui en Pologne et qui s’appelle Wrocław), portait elle aussi un écu parti, avec d’un côté un lion identique à celui de Geudertheim, de l’autre une aigle monocéphale entière.

Les émaux (couleurs) étaient cependant différents.10 La famille Sauerma est par contre bien plus récente, ayant été anoblie en 151911 , soit près de deux siècles après la querelle entre les Guelfes et les Gibelins.

Comme pour les von Geudertheim, et à l’instar d’innombrables familles nobles, la famille von Sau(e)rma était en fait divisée en plusieurs branches, qui possédait des armoiries différentes12 :

     1.   Les Saurma auf Lorzendorf : parti, au 1, d'azur, à la demi-aigle d'or, au 2, de gueules,
           à la bande d'or, chargée d'un renard au naturel (2e type) ;
     2.   Les Saurma auf Zülzendorf : comme les précédents ;
     3.   Les Saurma von der Jeltsch : parti, au 1, de sable, au lion d'or, au 2, d'or, à l'aigle de
           sable, becquée, membrée et couronnée du champ (c’est-à-dire que son bec, ses
           pattes et sa couronne sont de la même couleur que le « champ », le fond) (1er type) ;
     4.   Les Saurma von und zu der Jeltsch : comme les précédents.

On trouvera ci-après les armoiries du premier type, telles que reproduites par Rietstap en 1887, et celles du second type (cliquer sur l'image pour l'agrandir), telles que données par Siebmacher en 1605.

               

 

Nous avons redessiné les armoiries du premier type :

 

Concernant l’héraldique communale, à y regarder de près, on trouve aussi en Alsace deux communes qui possèdent des armoiries associant également l’aigle et le lion : Bouxwiller, chef-lieu de canton et ancienne capitale de la seigneurie de Hanau-Lichtenberg à laquelle appartint Geudertheim avant la révolution, et Harskirchen, dans le canton de Sarre-Union :

                   

Les armoiries de Bouxwiller (à gauche) et celles de Harskirchen (à droite)

 

Les armoiries de Harskirchen se blasonnent de la façon suivante : « Parti, au premier mi-parti de sable à l'aigle bicéphale d'argent, membrée et becquée d'or, lampassée de gueules, au second d'azur semé de croisettes d'argent au lion du même couronné d'or ».

Leur cas peut être réglé rapidement : ce sont des armoiries modernes, fusion d’une part des armoiries de la famille de Nassau (que l’on retrouve dans celles de la famille régnante des Pays-Bas, qui en est une des descendantes), et d’autre part celles du comté de Sarrewerden qui fut terre d’Empire, d’où l’aigle bicéphale. Ceci afin de rappeler l’ancienne appartenance du village à ce qui fut finalement le comté de Nassau-Sarrewerden.

                   

Les armoiries des Nassau (d'azur semé de billettes d'or, au lion du même, armé et lampassé de gueules, brochant sur le tout) et du comté de Sarrewerden (de sable à l'aigle bicéphale d'argent, becquée et membrée d'or, lampassée de gueules) .

 

Les armoiries modernes de Bouxwiller se blasonnent quant à elles de la façon suivante :
« Parti, d'azur à une aigle contournée d'or et de gueules à un lion d'argent ».

Il s’agit ici de la reprise des armoiries anciennes de la ville. Mais leur plus ancienne représentation se trouve sur un sceau qui ne date « que » de 1548, que l’on décrit de la façon suivante dans un texte ancien : « Écu de parti, à senestre l'aigle d'empire, à dextre le lion des Lichtenberg, seigneurs de la ville ». Sous l’ancien régime, et avant que l’Alsace ne devienne française au 17e siècle, la seigneurie de Lichtenberg dépendait bien sûr de l’Empire allemand. Et Bouxwiller, cité importante, avait le statut de ville depuis la fin du 13e siècle, d’où l’existence d’armoiries.

Mais si la ville fut terre d’empire dès le début du Moyen Âge, elle ne passa sous la tutelle des Lichtenberg qu’en 1480. On peut donc imaginer que ces armoiries qui associent l’aigle impérial au lion des Lichtenberg sont donc postérieures à cette date, et donc à une époque où il n’existait plus du tout cette opposition entre Guelfes et Gibelins, comme au temps des von Geudertheim.

 


 

10 Voir Geudertheim, la mémoire du passé, page 63.
11 Voir article « Der Adel kommt, der Adel geht » dans le quotidien allemand Frankenpost du 8.1.2010 et Ernst Heinrich KNESCHKE, Neues allgemeines deutsches Adels-Lexicon, Vol. 8, Hildesheim, 1868.
12 Jean-Baptiste RIETSTAP, Armorial général, précédé d'un dictionnaire des termes du blason, tome 2 (L - Z), Édité par G.B. van Goor zonen, Londres, 1887. Le New Wapenbuch de SIEBMACHERen 1605 et le Nachrichten von adelichen Wapen, Volume 2 de Christian Friedrich August von MEDING en 1788 ne donnent cependant que les armoiries du second type.

 

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