Voyage de Frieda LANG en 1939-1940

 

Ce document, écrit le 20 mai 2009 par Frieda LANG, née en 1916, est le récit de son séjour à Toulon auprès de son mari, et de son voyage en train pour le rejoindre puis pour retourner en Alsace avant l’occupation allemande en 1940. Quelques passages ont été corrigés ou retouchés pour faciliter la compréhension, en altérant le moins possible la spontanéité du texte. Précisons que Frieda LANG était enceinte de deux mois lors de son retour, et qu’elle ne peut aujourd’hui encore évoquer ces évènements sans que ne lui viennent les larmes aux yeux.



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Geudertheim, le 20. 05. 2009

J’ai quitté Geudertheim en août 1939, partie pour Toulon avec Lina MÜHLER et son fils Lucien âgé de 4 ans. Pour faire ce voyage il nous fallait plusieurs jours, ce n’était plus direct. De Lons-le- Saunier à Saint-Amour nous avons changé plusieurs fois de train, le voyage était très long et pénible.

Mon mari Albert LANG était affecté dans la marine à la côte de Toulon. J’y étais plusieurs mois, j’avais un logement place Gambetta à Toulon pendant tout le temps que j’étais là-bas. J’ai travaillé à six places comme femme de ménage.

Un beau jour en mai 1940 j’ai reçu un courrier de ma mère, disant que les Allemands vont occuper l’Alsace. Mon mari était d’accord que je retourne en Alsace ; ce qui fut dit fut fait. Un jeudi à midi le 28 mai 1940 j’ai pris le train de Toulon vers Strasbourg. Il était plein de militaires qui allaient vers la frontière. Le train partait vers 13 h de Toulon.

Arrivé vers Belfort le train fut bombardé jusqu’à Mulhouse 4 ou 5 fois. Il y avait des morts et des blessés graves. Tous les civils sont sortis du train pour se protéger dans les champs ou dans les forêts. Avec un grand retard le train est entré en gare de Strasbourg dans la nuit de samedi à 22 h. J’ai passé la nuit dans la salle d’attente de Strasbourg. Dimanche matin vers 8 h j’avais un train pour Brumath, de Brumath à Geudertheim j’ai pris un taxi.

J’aurais pu être du nombre des morts ou des blessés.


 

Au bon vieux temps du "Konsüm"

 

Ce texte est une reprise de l’article paru dans le n° 20 du bulletin municipal (à l’époque annuel) de décembre 2006.

Il y avait autrefois à Geudertheim quantité de petits commerces, épiceries, merceries et dépôts de boissons, sans compter les restaurants, boulangeries et boucheries. Jeanne HAMM, mieux connue comme "d’Coopé-Jeanne" ou "d’Holzschuehbocher’s-Jeanne" (qui rappelle le métier familial de sabotier), et Joseph HARNISCH, surnommé "de Coopé-Sepp", ont amicalement accepté de raconter leurs souvenirs de gérant d’un magasin Coopé. Passons-leur la parole…


D’Coopé-Jeanne

 

Le premier "Konsüm" (Coopé) ouvrit à Geudertheim le 5 mai 1932, rue du Général de Gaulle ("Em Nederang", à côté du restaurant "À l’Arbre Vert"). Il était tenu par Lina RITTER, qui dut renoncer pour cause de maladie trois ans après. Le 15 mai 1935, le magasin fut transféré à l’autre bout de la rue du Général de Gaulle ("Em Ewerang"), dans l’imposante bâtisse qui abritait, à la fin du XIXe siècle, le premier restaurant "Au Cygne". Les anneaux servant à attacher les chevaux sont encore en place sur le mur extérieur. Salomé VOLTZENLOGEL, la mère de Jeanne, en fut la gérante jusqu’en juillet 1945. Le magasin était ouvert dès 6 h et jusqu’à 20 h et même 21 h. Parfois, on faisait encore quelques achats sur le chemin de la Streckstub. Jeanne a tenu le commerce du 1er août 1945 jusqu’à la fermeture le 15 mars 1971. De 1945 à 1948, des cartes de rationnement, en raison de la pénurie, étaient en vigueur pour les denrées alimentaires. À cette époque les étiquettes étaient collées avec de la farine mouillée. Le premier article à nouveau en vente libre fut la banane. Au début, il n’y avait que quatre sortes de fromage, deux de munster, de la "Vache qui rit" et du "Gerber". Beaucoup d’articles étaient vendus au poids ou au litre, tels du pétrole (pour les lampes) et de la soude, qu’il fallait transvaser et qui faisait éternuer à rougir le nez. Il n’y avait pas encore de réfrigérateur et l’on employait de la glace pilée pour conserver la saucisse. Les meilleurs mois étaient octobre, où se vendait par quintaux entiers le sucre servant à faire le vin et beaucoup de harengs salés, ainsi que décembre et les semaines précédant Pâques. Jeanne se rappelle avoir formé pas moins de 22 apprentis. Le jour où nous l’avons interviewée, elle s’apprêtait à faire ses courses : "Em Konsüm" (à la Coop), bien sûr !

  Merci Jeanne…

 

De Coopé-Sepp

 

De l’autre côté du village, rue de la Montée ("d’Eselsgass"), un autre magasin Coop a ouvert ses portes au printemps 1956. Il était tenu par Suzanne HARNISCH, la première épouse de Joseph, décédée en couches huit mois plus tard. La vitrine de l’ancien magasin est encore visible de nos jours. En 1971, les deux magasins furent fermés et un nouveau "Konsüm" s’installa dans l’ancienne boulangerie VOLTZENLUGEL. Joseph HARNISCH, aussi appelé "de Bastian’s Sepp" ou "de Coopé-Sepp", aidé par Marthe, sa seconde épouse, raconte quelques souvenirs de ses 33 ans passés dans les deux magasins. Au début, les journées étaient longues de 55 à 60 heures/semaine. Avant l’ouverture du magasin, il fallait recevoir les différents livreurs (laiterie centrale, boulangerie RITLENG, charcuterie "HÜLLE" qui livrait surtout des "Knewliwerscht", etc.) et ensacher sel, sucre, petits pois, haricots, son et céréales (pour les éleveurs de lapins, chèvres et autres volailles). Le "Maggi" aussi était vendu au détail. Il se vendait beaucoup de bière. À la belle saison, maints paysans s’arrêtaient, avant d’aller aux champs ou sur le chemin du retour, pour boire une nouvelle bouteille de bière, vite fait, dans la rue. De préférence une "centenaire bien glacée" ("A Centenaire vum Is"), payée sur le champ, parfois à l’insu de la maîtresse de maison, ou le lendemain ("Ech kumm Morje durich"). Les achats étaient réglés avec de l’argent comptant, avant l’ère des chèques. Les fournisseurs et salariés étaient payés de même avec de l’argent sorti directement de la caisse. Dans le premier Coop étaient vendus beaucoup d’articles de mercerie, fil à coudre, boutons, de la laine, des draps, etc. Joseph se rappelle l’époque de la caisse manuelle, celle des colis de Noël, constitués mois après mois avec l’achat de timbres. Et de la ristourne ("s’Coopé-Gald") payée aux clients en juillet/août, après envoi des tickets de caisse à la caisse centrale de la Coop. Joseph est, lui aussi, resté un fidèle client du Coopé actuel. On le voit se rendre à pied ou à vélo "en de Konsüm". En agile septuagénaire, passionné de jardinage et adepte de la vie saine, au grand air. L’ancien footballeur du FCG, capitaine et redoutable droitier, tient toujours la forme.

Merci Sepp…

 

Quelques anciens combattants de la guerre 1939-1945

Lors de la célébration de la fête nationale dans la soirée du 13 juillet 2010, Pierre GROSS, maire de Geudertheim, a tenu à honorer les six derniers combattants encore vivants et valides du village. Très émus, ils ont reçu à cette occasion le Diplôme d’Honneur aux Anciens Combattants de l’Armée Française 1939-1945, les uns des mains du général de corps d’armée Bernard FRIEDRICH, lui-même enfant du village, les autres de celles d’Étienne WOLF, conseiller général et maire de Brumath.

 

 

Ci-après un bref résumé des évènements que ces six combattants, bien jeunes à l’époque, ont vécus durant la guerre 1939-1945.

 

Charles BEYER, né le 5 janvier 1926 à Geudertheim.

Incorporé le 24 novembre 1943, à l’âge de 17 ans, dans l’armée allemande, où il a effectué les fameux travaux du Reichsarbeitsdienst (RAD) du 24 novembre 1943 au 17 février 1944. Avant d’être déporté au front dans la région de Nancy, le 1er septembre 1944, il a passé au bataillon disciplinaire de la Wehrmacht.

Le 15 septembre 1944 il fut prisonnier américain à Dombasle-sur-Meurthe, un camp de 5 000 prisonniers ; ils y étaient 35 000 et le repas fut livré pour 5 000.

Le 1er octobre 1944, il fut libéré, ainsi que tous les Alsaciens et Lorrains, par l’armée française à Laon. Jusqu’au 13 janvier 1945, il fut planton à la subdivision à Laon.

Petite anecdote : le jour de la Toussaint en 1944, il fut porteur de la gerbe que le Préfet du département de l’Aisne a déposée au monument aux morts de Laon.

Il est rentré à Geudertheim au 2e trimestre de l’année 1945.

 

Philippe KAUFFMANN, né le 10 octobre 1924 à Geudertheim.

Voir aussi "Culture dialectale/Hier et aujourd'hui", article "Wiehnoochde freijer / Noël autrefois".

Incorporé le 15 octobre 1942, à l’âge de 18 ans, dans l’armée allemande à Grafenstein, en Carinthie, sud de l’Autriche qui était alors annexée à l’Allemagne (Anschluss), pour des travaux du Reichsarbeitsdienst (RAD). Philippe se souvient qu’il n’avait pas grand-chose à manger. Il fut délivré du RAD le 28 décembre 1942.

Le 16 janvier 1943, il fut incorporé dans la Wehrmacht à Kolm en Pologne. Il fut formé à l’infanterie et sa mission était de garder les grandes fermes. Il a été envoyé au front en 1943 en Pologne, puis à Amsterdam et Rotterdam pour se battre contre les Anglais.

Après 8 jours de voyage, début 1944, il croyait être à Achenheim en Allemagne, se retrouva finalement à Haguenau à 15 km de son domicile, et il pensait pouvoir rentrer chez lui. Finalement il s‘est retrouvé à Marseille. En l’espace de quelques jours il porta d’abord l’uniforme allemand puis l’uniforme français. Il a été libéré le 28 décembre 1944.

Par la suite il a intégré les services de la commune de Geudertheim où il a été le dernier garde champêtre et le dernier crieur public du village, exerçant ces deux fonctions jusqu’à son départ en retraite en octobre 1989.

 

Albert KRIPPLEBEN, né le 23 janvier 1922 à Geudertheim.

Incorporé le 1er décembre 1941, à l’âge de 19 ans, pour les travaux du Reichsarbeitsdienst (RAD) à Breisach am Rhein jusqu’au 20 février 1942. Le 12 octobre 1942 il rejoint les chasseurs alpins à Solbad Hall au Tyrol (aujourd’hui Hall in Tirol).

Le 30 janvier 1943, il fut déporté en Russie au sein de la Jäger division. Le 3 mai 1945, il prit le bateau à Danzig (Dantzig en français, aujourd’hui Gdańsk, en Pologne) pour rejoindre Kiel en Allemagne. À la descente du bateau, les Anglais le firent prisonnier le 15 mai 1945.

Il retrouva sa terre natale le 14 juillet 1945.

 

Georges MARTINI, né le 15 septembre 1923 à Kurtzenhouse.

Il fut incorporé le 8 octobre 1942, à l’âge de 19 ans, près de Brandenburg an der Havel (en français Brandebourg-sur-la-Havel) et a effectué les travaux du Reichsarbeitsdienst (RAD).
Le 31 décembre 1942, il rentra chez lui.

Le 13 janvier 1943, 13 jours après sa libération, il fut incorporé dans la Wehrmacht à Ludwigsburg. En avril 1943, il se retrouva en Russie à Scharkov où il fut blessé le 15 septembre 1943. Il resta même 8 jours sans soins, après être rapatrié à l’hôpital de Lemberg (nom allemand de Lwów), en Pologne (aujourd’hui Lviv en Ukraine).

Il fut libéré par la Wehrmacht fin décembre 1943 suite à ses blessures, et délivré officiellement par la Wehrmacht le 7 février 1944.

 

 

Charles SCHNEIDER, né le 10 juillet 1921 à Geudertheim.

Incorporé le 16 février 1943, à l’âge de 22 ans, dans l’armée allemande à Zeiteldorm (aujourd’hui Zeiteldorf), à côté du Danube en Bavière, pour les travaux du Reichsarbeitsdienst (RAD). Il rentre à Geudertheim le 22 mai 1943.

Le 1er juin 1943, il fut incorporé dans la Wehrmacht et passa une période d’instruction de
4 mois au Danemark. Le 27 septembre 1943, on le muta en Russie du côté de Leningrad.
Le 8 octobre 1943, il fut blessé en Russie du côté de Vitebsk (aujourd’hui en Biélorussie).

Libéré le 14 juillet 1944 par la Wehrmacht, après 10 mois d’hôpital, il rentra à Geudertheim.

 

Charles WEIL, né le 21 mars 1926 à Geudertheim.

Incorporé le 4 octobre 1943, à l’âge de 17 ans, pour les travaux du Reichsarbeitsdienst (RAD). Il fut libéré 3 mois après.

Le 8 février 1944, il a été incorporé de force dans la Waffen-SS « Das Reich » près d’Oradour-sur-Glane. En voyant le désastre qui y avait été commis, il a versé quelques larmes. Un SS l'a menacé de le tuer s'il continuait de pleurer en lui disant que ces gens ne méritaient pas ses larmes.

Cela le détermina à déserter en juin 1944, malgré les risques de représailles qu’il faisait prendre ainsi à sa famille. Il se cacha en Bretagne après le débarquement en Normandie.

Il s’engagea volontairement dans l’armée française en septembre 1944 sous les ordres du Général KOENIG à Landau in der Pfalz (Rhénanie-Palatinat) et ce jusqu’à la fin de la guerre où il fut libéré en novembre 1945.