3. Un brillant jeune officier

 

Admis à l'École Spéciale Militaire de Saint-Cyr en 1872, il en sortit 5e sur 304, puis passa sous-lieutenant au 20e Régiment d’Infanterie en 1874, et entra à l'École d'État-major, d'où il sortit second sur 25 en 1875.

Lieutenant en 1876, il fut stagiaire au 7e cuirassiers (1877) puis au 4e Zouaves (1879). En Algérie de 1879 à 1880, il en revint avec la Médaille coloniale et passa dans l’infanterie, au 6e Bataillon de Chasseurs à Pied et devint la même année capitaine au 126e Régiment d’Infanterie.

Stagiaire à l’État-major de la 34e division (1882-1883), puis à l’État-major du Corps expéditionnaire du Tonkin (1885-1888), il fut alors décoré de la Médaille du Tonkin, de la Légion d’Honneur, de l’Ordre du Cambodge et de l’Ordre du Dragon d’Annam (1888).

À son retour en France, il obtint le grade de commandant, affecté en 1888 au 144e Régiment d’Infanterie, puis au 9e Régiment d’Infanterie. De 1890 à 1893, il fut professeur de topographie à l'École supérieure de guerre. A la même époque, il fut attaché à l'État-major du général de Galliffet, qui lui conserva toujours une grande estime. Doué de capacités intellectuelles considérables (il parlait couramment l'allemand, l'anglais, l'espagnol et l'italien, et s'était mis à apprendre le russe), bénéficiant de la confiance de ses chefs, il était alors considéré comme l'un des espoirs de l'armée française.

Retourné fin 1893 à l’État-major de l’armée, comme sous-chef de bureau, il participa en octobre-novembre 1894, sans y jouer cependant un rôle de premier plan, à l'enquête sur le capitaine Alfred Dreyfus, accusé de trahison au profit de l’Allemagne, sur la base d’un document unique, anonyme, surnommé « le bordereau ». Le 1er juillet 1895, il succéda au colonel Sandherr, colmarien d’origine, malade, à la tête du Service des renseignements. Le 6 avril 1896, à moins de 42 ans, le commandant Picquart était nommé lieutenant-colonel, ce qui faisait à l’époque de lui le plus jeune de l’armée française dans ce grade.

En reprenant l'enquête de son prédécesseur, il acquit la conviction que le coupable de l’affaire de trahison n’était pas Dreyfus mais le commandant Ferdinand Esterhazy, un officier criblé de dettes et à la morale douteuse. Bien que lui-même non exempt de certains préjugés antisémites, l’honnêteté et la rigueur de Picquart, ainsi que son dévouement inébranlable envers l’armée lui fit défendre la position que ce n’est pas parce que Alfred Dreyfus était juif qu’on devait laisser un innocent payer à la place du vrai coupable.

 

Imagerie populaire : « Histoire d’un innocent »

 

Picquart s’obstinant et devenant gênant, ses supérieurs l'écartèrent de son poste à partir d'octobre 1896, en lui confiant une mission d'inspection d'une durée indéterminée en France puis en Tunisie, où il fut finalement nommé au 4e Régiment de Tirailleurs Algériens, dans un secteur peu sûr, peut-être dans l’espoir qu’il puisse y laisser la vie.

Son engagement progressif dans la bataille de l'affaire Dreyfus, à partir de l'automne 1897, lui valut une première arrestation le 13 janvier 1898, puis, après sa mise en réforme promulguée le 26 février, un long emprisonnement de onze mois, du 13 juillet 1898 au 9 juin 1899.

 

Carte postale de l’époque de l’affaire Dreyfus (caricature de Trick)

 

L’innocence de Dreyfus étant finalement reconnue, et ce dernier enfin réhabilité le 13 juillet 1906, le même jour, Picquart fut réintégré dans l'armée avec le grade de général de brigade, et très rapidement, le 28 septembre, nommé à celui de général de division, à la tête de la 10e Division d’Infanterie. Le 25 octobre 1906, il devint ministre de la Guerre dans le premier cabinet de Georges Clemenceau, qui dura jusqu’au 20 juillet 1909, ce qui n’est pas loin d’être un record pour l’époque.

 

Picquart, Général de Division et Ministre de la Guerre

 

Il fut ensuite nommé le 22 février 1910 à la tête du 2e Corps d'Armée basé à Amiens. C’est là qu’il décéda, le 19 janvier 1914, des suites d'une chute de cheval. Il eut droit à des obsèques nationales. D’abord enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris, ses cendres furent finalement transférées à Strasbourg le 23 septembre 1919, sa tombe étant depuis 1921 entretenue aux frais de la ville.

 

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